Ce jour où Johan Cruyff reçut un carton rouge au Camp Nou

Nous sommes le 6 février 1977. Au Camp Nou, le Barça de Johan Cruyff est irrésistible. Invaincu depuis mars 1973 dans son antre, soit 66 matchs consécutifs, la deuxième meilleure série de l'histoire de la Liga, le Barça ne craint pas grand-chose. Et surtout pas la lanterne rouge du championnat, le Deportivo Malaga. Les hommes de Rinus Michels sont alors leaders du championnat, à la lutte pour le titre avec l'Atlético Madrid.

D'ailleurs, sur le terrain, tout se passe bien. La star de l'équipe blaugrana, Johan Cruyff, ouvre le score dès la 18e minute. Mais sept minutes plus tard, un premier fait de jeu perturbe le bon déroulé de la partie. Esteban Vigo, futur joueur du Barça, égalise... de la main et également en position de hors-jeu. Tout le monde l'a vu, sauf l'arbitre, visiblement, qui accorde le but. Les esprits sont échaudés, les spectateurs du Camp Nou sont fous de rage. A cette erreur manifeste s'ajoutent deux penalties évidents non sifflés pour les locaux, ainsi qu'un nouveau but du triple Ballon d'Or, refusé sans raison apparente.

Malgré un deuxième but du Barça  signé Neeskens à l'heure de jeu, les esprits ne se calment pas. L'arbitre du match, Ricardo Melero Guaza brandit alors un carton rouge à Johan Cruyff, le deuxième de sa carrière en Espagne. On joue la 75e minute et dans son rapport d'après-match, l'homme en noir indiquera qu'il a entendu le Néerlandais l'insulter. Du côté de Cruyff, la surprise est totale. Sa version des faits est tout autre, puisqu'il déclarera plus tard qu'il demandait simplement à son coéquipier Manuel Clares de se bouger pour marquer un nouveau but. Le Camp Nou est alors au bord de l'implosion. Des coussins sont jetés sur la pelouse, un spectateur débarque également et tente de s'attaquer à Melero.

Le match s'achève et le Barça l'emporte finalement 2-1. Suffisant pour calmer les esprits ? Même pas. L'arbitre de la rencontre doit rester confiné dans les vestiaires pendant deux heures, le temps que les socios évacuent le stade. Dehors, c'est les émeutes. Un van appartenant à une chaîne de télévision est incendié. Les supporters veulent en découdre avec l'officiel de la rencontre. Au final, Melero parvient à s'extraire du stade avec l'aide de la police.

Au final, personne ne sait ce qui s'est réellement passé entre Melero et Cruyff. Les deux hommes ne changeront jamais de version. Quoi qu'il en soit, Melero n'arbitrera plus aucun match par la suite, prétextant que des menaces pesaient sur lui et sa famille. Une théorie évoque l'existence d'un témoin, qui aurait entendu l'homme en noir avant la rencontre dire qu'il détestait Cruyff et qu'il trouverait tous les prétextes possibles pour l'exclure. Melero, lui, a déclaré que le Néerlandais aurait admis en privé qu'il l'avait bien insulté.

Il est des victoires qui sont synonymes de défaites. C'est bien le cas de Barça-Malaga de février 1977. Car le carton rouge et le rapport de l'arbitre poussent la commission de discipline à suspendre Cruyff pour trois rencontres. Sans son génie batave, le Barça en perd deux et fait un match nul. Le club chute même à domicile pour la première fois depuis 1973 (contre l'Athletic Bilbao). Le nul est contre l'Atlético Madrid, le principal adversaire pour le titre, au Camp Nou, le 26 février. Cette série de contre-performances coûte finalement le titre au club catalan, battu d'un petit point par son rival madrilène sur la ligne d'arrivée.